Dessiner sur une feuille de papier, c’est fusionner un contenu avec son support. Travailler avec le numérique, cela consiste, au contraire, à séparer les deux.
Cette notion de séparation peut sembler secondaire, elle est en réalité essentielle pour comprendre les prochaines évolutions des contenus artistiques.
Cette séparation libère et ouvre des univers de création jusque là inexplorés, mais on assiste aussi, depuis des années, à de nombreuses complications liés à ce principe : les contenus peuvent être utilisés sous des formats différents et sur des supports différents, ils peuvent être facilement copiés et téléchargés, causant de multiples problèmes, notamment en matière de droits d’auteur.
Concernant la peinture numérique, c’est la même chose : le contenu est immatériel, créé indépendamment de son support final de visualisation.
C’est une vraie aventure, car tout est nouveau : la technique, l’approche, les supports, tout est recherche et expérimentations, ce qui ne déplaît pas aux artistes qui aiment s’emparer de nouvelles technologies ou de nouveaux concepts, souvent synonymes d’inspirations ou d’émergences de mouvements artistiques. L’histoire de l’art nous l’a régulièrement montré, par exemple au début du XXe siècle avec la naissance du surréalisme directement lié à l’apparition de la psychanalyse.
Les effets de cette séparation jouent sur la création, mais aussi sur les mentalités : si l’œuvre est numérique et si on peut la copier ou la télécharger, l’approche du spectateur est différente.
L’œuvre est fragilisée dans l’esprit des observateurs et perd sans doute une part de sa valeur. Il y a là une sorte d’injustice envers l’artiste dont la création reste la même.
L’objet artistique a son importance : il est le support, il est aussi l’œuvre aux yeux de l’amateur d’art.
Je me souviens d’un collectionneur intéressé par l’achat d’un petit dessin sur epaper, qui fut effrayé par ce nouveau support et demanda à mon marchand si je pouvais le refaire sur papier. Je refusai par principe, mais aussi parce qu’il était impossible d’obtenir la même chose sur papier : l’art sur epaper est une technique à part entière.
La question essentielle que l’on rencontre après avoir réalisé une œuvre numérique, c’est : sur quel support la montrer ?
L’imprimer sur papier ou sur toile, la présenter sur un écran de télévision, d’ordinateur ou sur un « photo frame » : les possibilités ne manquent pas.
Pour avoir tout utilisé, je pense que le média le plus adapté est le epaper : son aspect et ses qualités ne sont plus à démontrer, il est parfaitement adapté, même s’il n’est aujourd’hui commercialisé qu’en noir et blanc, en petit format, et essentiellement pour l’édition.
Pour l’utiliser dans le domaine de la peinture numérique , il y a deux possibilités : comme une œuvre unique ou comme un support unique pour œuvres multiples.
Dans le cas de « l’œuvre unique », il suffit de télécharger la peinture numérique sur la feuille, puis de sectionner le cordon de transmission des données. On obtient une œuvre originale sur epaper (datée et signée au dos), l’œuvre numérique ne bouge plus dans le temps, le epaper est stable.
Pour l’œuvre multiple, le champ d’expérimentation est beaucoup plus important, car on peut créer des œuvres dont le contenu est une succession d’images qui défilent les unes derrière les autres constituant l’œuvre elle-même.
On peut aussi créer une succession de peintures que l’on changera suivant ses goûts, toujours sur une seule feuille de epaper.
Avec cette deuxième possibilité l’amateur d’art peut télécharger très simplement des peintures ou des dessins, comme on télécharge un morceau de musique sur son iPhone ou un livre sur son Cybook.
Ce principe ouvre une nouvelle possibilité culturelle : l’accès simple aux œuvres d’art chez soi.
Acheter une peinture est un acte qui prend du temps et qui coûte cher, le numérique et l’apparition du epaper pointe vers de nouvelles habitudes : il est possible d’avoir chez soi un support adapté et d’en changer le sujet régulièrement, simplement, économiquement.
La couleur, qui ne tardera pas à arriver en production, devrait accélérer l’intérêt des collectionneurs d’art pour ce procédé.
Le bouleversement des mentalités ne s’arrête pas là, car du numérique découle le « participatif » qui crée des expériences passionnantes autour de l’interconnexion entre le spectateur et l’artiste.
Les supports numériques ont déjà pris une grande importance dans nos vies.
Un monde nouveau émerge, celui du « tout numérique », révélant combien les mentalités et les fonctionnements de nos sociétés sont en train d’évoluer.
La culture et l’art utilisent déjà tous ces médias, et les supports de diffusion ont aujourd’hui une place centrale et essentielle, peut être déjà aussi importante que celle du papier.